
Laure Estevez
Céramiste – Artisan d’art
Démarche artistique
Si Laure Estevez s’intéresse au contenant, elle ne l’envisage pas dans sa seule acceptation
fonctionnelle. La céramiste produit des vases, des soliflores, ainsi que des pièces relevant des arts de
la table. Des objets pensés pour répondre à un usage : accueillir une composition florale, boire un
café, mais également pour attiser nos sens et notre esprit. C’est ainsi qu’un soliflore ou un vase ne
recevant pas une fleur ou un bouquet peut rester posé, « nu », sur une console ou une table. N’étant
pas en état d’usage, il attire le regard pour son design singulier tout en courbes et son association de
deux matériaux bruts que sont la terre et le tressage du rotin par exemple. Ou bien, c’est sa texture
craquelée qui nous capte pour l’expérience qu’elle représente : quelles sensations va générer cette
surface sous mes doigts ? À moins que ce ne soit cette tasse à thé oubliée sur une table qui nous
interpelle tant son émail est travaillé de façon picturale, à la manière d’un tableau représentant la part
d’abstraction contenu dans tout paysage. Le soliflore devient alors objet de contemplation, une utilité
de l’esprit.
La céramiste explore le grès haute température et fabrique elle-même les émaux apposés sur ses pièces.
Sa recherche plastique — forme, couleur, texture — provient d’une observation continue de la nature.
C’est ainsi qu’elle s’attache à inventorier ses trouvailles pour ensuite les reproduire et les organiser
autour d’une forme forcément en courbes, un incontournable de son travail. En effet, cette ligne est,
pour elle, évocatrice de douceur et d’infini. La courbe plonge et remonte, appelant toujours une suite.
Les émotions sont un fort vecteur créatif chez la céramiste. La manipulation de la terre, cette
nécessité de définir des contours, de lui donner un aspect, lui permettent de décharger en elle un
état, à l’image de ces cols décentrés réalisés durant une période de désordre, de chamboulement.
La céramiste parvient ainsi à traduire esthétiquement cet état et à l’apprivoiser. C’est comme un transfert
d’émotions. Une fois la céramique créée, elle peut s’en saisir et l’appréhender par la caresse,
retrouver un calme intérieur. C’est exactement ce qu’elle cherche à offrir au regardeur-usager :
l’expérimentation d’une œuvre par le toucher, la vue en faisant émerger des souvenirs qui favorisent
l’appropriation de l’œuvre.
La série « Peau » s’attache à recouvrir partiellement la terre d’un émail craquelé ou d’une pièce de
cuir comme un habit que l’on revêt ou au contraire d’une mue dont on doit se séparer. Une collection
qui se veut délibérément tactile par l’usage de matériaux bruts. La série « Prolongement » associe
deux pratiques ancestrales comme le travail de la terre et de la vannerie pour des productions
hybrides à la silhouette étonnante. Enfin la série « Panorama » est une collection dédiée aux arts de la
table où toutes les céramiques ont une base de cylindre ; un design qui permet de traiter le paysage à
la façon d’un panoramique qui s’enroule autour du contenant, et ce, en ayant une approche picturale
de l’émaillage.
Dans tous les cas, c’est le geste qui guide Laure Estevez et canalise ses pensées. Ses mains sont le
marionnettiste qui donne forme à la matière sous l’œil arbitre de son regard alertant, corrigeant,
validant.
La galeriste Virginie Baro est l’auteur de l’ensemble des textes de cette page.